Démantèlement de Calais : bilan sévère par le Défenseur des droits

Le démantèlement du camp de Calais... pour quel futur ?
Deux mois après le démantèlement, le Défenseur des droits dresse un bilan sévère de l'opération et s'inquiète en particulier du sort des mineurs isolés.

Le 20 décembre 2016, le Défenseur des droits rendait son rapport d’observation sur la prise en charge des exilés de Calais et de Stalingrad (pdf). Manque d’anticipation, de coordination, maintien des mineurs isolés hors de la protection de l’enfance… le Défenseur des droits dénonce une logique de contrôle des flux migratoires primant sur des considérations liées au respect des droits fondamentaux, notamment du droit à l’éducation.

Les critiques sont donc acerbes à l’égard de cette opération qui, si complexe et nécessaire fût elle, aurait pu être mieux préparée dans le souci de préservation des droits de ces populations vulnérables, en particulier des mineurs isolés. Cette opération avait d’ores et déjà suscité les critiques de nombreuses ONGs dont Solidarité Laïque qui dénonçait notamment le traitement réservé aux mineurs isolés.

“L’intérêt des mineurs isolés n’a pas fait l’objet d’une priorité”

Suite au démantèlement de Calais et de Stalingrad, les autorités se félicitaient d’ “une opération humanitaire de grande envergure mettant à l’abri plusieurs milliers de personnes et plus de 1700 mineurs non accompagnés en quelques jours, en multipliant les appels au Royaume-Uni afin qu’il prenne ses responsabilités dans l’accueil des jeunes.”

Le Défenseur des droits pointe le non respect des droits fondamentaux de la part de l’Etat et en particulier des droits des mineurs isolés, qui rappelons-le, relèvent de l’enfance en danger selon le droit français. Il dénonce notamment “la création d’un dispositif dérogatoire du droit commun [ces Centres d’Accueil provisoires dédiés au Mineurs isolés (CAOMI)] ne permettant pas d’assurer complètement les droits fondamentaux des enfants et tout simplement leur protection”.  Dans son rapport, il revient notamment sur les conditions aléatoires dans lesquelles les mineurs ont été triés lors du démantèlement de Calais et dispersés sur tout le territoire.

calais
Schéma du parcours des mineurs isolés suite au démantèlement de Calais début octobre 2016
La procédure de droit commun de prise en charge des mineurs isolés
La procédure de droit commun de prise en charge des mineurs isolés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les opérations d’évacuation doivent être anticipées, préparées, coordonnées.”

Globalement, il pointe un manque d’anticipation de la part de l’Etat qui n’a pas permis d’éviter la violation des droits fondamentaux. Il rappelle avoir mis en garde l’Etat à plusieurs reprises concernant la protection des droits fondamentaux des personnes exilées et des plus vulnérables d’entre eux : les mineurs isolés qui n’ont pas fait l’objet d’une mise à l’abri avant l’opération.

Le Défenseur des droits dénonce la multiplication de “dispositifs dérogatoires, les sas de transit, en amont du droit commun” ne permettant pas d’assurer le respect des droits et appelle l’Etat à “se mobiliser aux côtés des départements pour les soutenir dans leur mission de protection de ces mineurs non accompagnés”.

 

“Rien n’est prévu en termes d’accès à la scolarité”

Dans ses conclusions, le Défenseur “recommande aux pouvoirs publics de donner aux jeunes présents dans les CAOMI un statut légal administratif ou judiciaire et de garantir leurs accès aux droits, à l’éducation, à la santé.” En effet, la plupart des CAOMI ayant été ouverts “dans des centres de vacances ou des bases de loisirs, la plupart du temps assez éloignés des agglomérations”, cet isolement augmente chez les jeunes le sentiment de mise à l’écart. Par ailleurs, comme le pointe le rapport, la circulaire mettant en place ces CAOMI ne prévoit rien quant au respect du droit à l’éducation de ces mineurs.

Plus encore, les textes réglementaires concernant les CAOMI organisent là encore un maintien de ces jeunes en dehors du droit commun français en ne prévoyant  qu’un simulacre d’activités éducatives. En effet, comme le souligne à maintes reprises le Défenseur des droit, “rien n’est prévu en termes d’accès à la scolarité” (p.50 du rapport). Le cahier des charges des CAOMI se cantonne à la “sensibilisation à l’apprentissage du français”.

 

“ Les solutions mises en œuvre sont davantage empreintes de considérations liées à la maîtrise des flux migratoires ”

Le Défenseur des droits dénonce globalement une logique de contrôle des flux migratoires qui prime sur les considérations liées au respect des droits fondamentaux. Comme le rappelait Solidarité Laïque dans son communiqué du 21 octobre 2016 : les mineurs isolés sont d’abord des enfants en danger du fait de leur isolement sur le territoire et de leur minorité, et relèvent à ce titre de la protection de l’enfance.

Les droits attachés à ce statut sont protecteurs pour des enfants et des jeunes ayant subi des parcours souvent traumatiques. Les parcours migratoires se sont complexifiés de manière accrue ces derniers mois. Les épisodes de violence et de barbarie durant ces trajets explosent. Les jeunes arrivant sur le territoire présentent bien souvent des polytraumas. Le récit de ces parcours est de plus en plus douloureux et difficile. La vie dans le camp de Calais s’est ajoutée à cela. En créant des dispositifs “ad hoc” pour les mineurs isolés, où l’accès à la protection de l’enfance n’est pas assuré, où le droit à la santé n’est pas suffisamment pris en compte au regard des traumatismes sévères subis, où le droit à l’éducation n’est tout bonnement pas respecté, l’Etat n’assure par le respect des droits fondamentaux de ces jeunes.  

 

Personnes vulnérables, enfants en danger : la protection des personnes et le respect de leurs droits fondamentaux devraient l’emporter sur les considérations liées aux enjeux de contrôle des flux migratoires. Pour ces enfants à qui on a fait miroiter un avenir en Grande Bretagne ou pour ces majeurs à qui on a fait croire qu’ils pourraient déposer une nouvelle demande d’asile, le rêve s’est échoué à Calais et laissera des traces indélébiles sur ces populations traumatisées et, plus inquiétant encore, sur le droit français. Comme le conclut le Défenseur des droits, il revient désormais à l’Etat de prendre ses responsabilités et de garantir les droits de ces migrants, en particulier garantir la protection des mineurs isolés.

 

Rapport d’observation : démantèlement des campements et prise en charge des exilés (PDF) par le défenseur des droits – 20 décembre 2016 

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