« Au Mali, 700000 enfants ont été déscolarisés du fait du conflit ! »

Notre partenaire, Famoro Keita, président du RASDEC, fait le point sur la situation de l'éducation au Mali, choisi pour l'édition 2015-16 de la Rentrée Solidaire.

Vous êtes spécialiste de l’éducation au Mali. Quel a été l’impact de la crise au Nord Mali sur la scolarisation des enfants ?

Dans cette région, le secteur de l’éducation a été particulièrement affecté et se retrouve aujourd’hui à genoux. De nombreuses écoles ont été détruites, les bancs et les tables ont été cassés par les djihadistes qui les ont utilisés comme bois de chauffe.  Des écoles coraniques ont été imposées à la place des écoles destinées à instruire et à éduquer. Les filles en particulier ont été recluses chez elles, privées d’accès à l’éducation. Pour les djihadistes, détruire l’école et faire régner la terreur pour ceux qui voulaient étudier, était un objectif en soi car cela signifiait s’attaquer au symbole de l’Etat.

L’absence de matériel scolaire est-il un obstacle à la scolarisation ?

Oui. D’une part il a été en grande partie détruit au Nord et d’autre part, quand il existe, il est très coûteux pour les familles démunies. Le prix d’un simple cahier peut représenter jusqu’à 1/5è du revenu journalier d’une famille. L’arbitrage est clair dans ce cas : le chef de famille préfère bien sûr nourrir sa famille. Or, un enfant qui vient sans fourniture à l’école, finira par devoir rester chez lui : les classes étant surchargées, le maître privilégie naturellement les élèves qui sont équipés et peuvent travailler…

De nombreuses populations ont été déplacées. Parmi eux, des enseignants. Comment remédier à cette situation ?

Progressivement, grâce au rétablissement de l’Etat de droit, des enseignants remontent vers le Nord. Mais le défaut de personnel éducatif est majeur. Pour le moment, il s’agit de permettre à ces enseignants réfugiés dans le Sud de ne pas perdre leurs acquis en leur offrant une formation continue. Bien entendu, il y a aussi un fort enjeu pour tous ces élèves qui ont dû fuir avec leur famille : on a recensé 700000 enfants qui ont été déscolarisés ! Leur permettre de reprendre le chemin de l’école et de poursuivre le cursus qu’ils avaient entamé est fondamental. Cela ne se fera pas sans une aide des ONG et de la communauté internationale. C’est déterminant car l’éducation de nos enfants permet de préparer l’avenir et le développement du pays !

Quels sont les grands enjeux et défis du Mali aujourd’hui en matière de scolarisation ?

Depuis 2000, nous avons fait des progrès, puisque 83 % des enfants sont aujourd’hui scolarisés. Mais ce n’est pas suffisant. Trop d’enfants restent encore privés d’école. Les filles sont tout particulièrement exposées. L’autre problème rencontré est celui de la qualité de l’enseignement qui est dispensé : formation très insuffisante d’une partie des enseignants et sureffectif dans les classes (jusque 100 ou 120 élèves). Se pose aussi la question des langues d’enseignement et des innovations pédagogiques pas toujours adaptées. Les défis sont nombreux et il est donc fondamental que les éducateurs se mettent en réseau, partagent leurs expériences, capitalisent sur ce qui marche, et le fassent savoir aux autorités en charge de l’éducation. Cela suppose une dynamique de long terme ; cela prendra du temps, mais nous y travaillons très activement.

 

ECLAIRAGE : LA RENTRÉE SOLIDAIRE MET LE CAP SUR LE MALI

L’opération Rentrée Solidaire invite les enfants et les jeunes à s’engager dans un projet de solidarité internationale à travers des actions pédagogiques. Centrée sur un pays parmi les plus démunis, elle se déroule en deux temps : «  sensibilisation aux enjeux et à la mise en œuvre du droit à l’éducation d’une part, collecte de fournitures scolaires pour répondre aux besoins du pays-cible, de l’autre », explique Carole Coupez, déléguée aux actions d’éducation à la citoyenneté à Solidarité Laïque. Pour la prochaine rentrée, c’est le Mali qui est l’honneur.

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