“Eve est un modèle de détermination”, Aché Coelo, réalisatrice de “Une journée à l’école au Tchad”

“Eve est un modèle de détermination”, Aché Coelo, réalisatrice de “Une journée à l’école au Tchad”
Pour réaliser le reportage “Une journée à l’école au Tchad”, Solidarité Laïque a fait appel à la talentueuse réalisatrice tchadienne Aché Coelo. Militante des droits des femmes, elle revient sur le tournage et sur les enjeux de l’égalité au Tchad.

Réalisatrice et sociologue, Aché Coelo est aussi présidente de l’association tchadienne des cultures mixtes qui porte des projets liés aux droits humains et la culture à travers des échanges. En 2017, avec Salma Khalil, photographe de la Rentrée Solidaire, elle réalise “Portraits de femme”, un ouvrage qui valorise le parcours de plus de 100 femmes. Avec sa caméra, Aché Coelo capture des scènes de vie où les héroïnes sont souvent des jeunes filles, des femmes qui se battent au quotidien pour leur pays, à l’image de Eve, écolière à N’djamena et héroïne du reportage “Une journée à l’école au Tchad.”

 

Pourquoi c’est important de filmer le quotidien d’une jeune écolière comme Eve ?

 

On ne parle pas assez des filles, des femmes en général et de leurs problématiques. Plus de 62% des filles sont victimes de mariages précoces au Tchad. Souvent les familles pensent que c’est dans l’intérêt de leurs filles. Une fois mariée, les jeunes filles ne vont plus à l’école. Il est important à travers l’image de mettre en valeur des jeunes filles qui se projettent dans l’avenir. Eve veut apprendre, veut devenir journaliste. Pourtant, comme beaucoup de filles de son âge, elle doit faire, en plus les corvées une fois de retour à la maison. Cela s’ajoute au reste. A travers mes films, je cherche à mettre en valeur ces petites héroïnes du quotidien. A sa façon, Eve est un modèle de détermination pour les jeunes filles de sa génération.

 

Vous voulez dire que la journée à l’école d’un garçon aurait été bien différente ?

 

Complètement ! Au Tchad, les corvées de la maison reviennent aux filles, pas aux garçons. Bien sûr, il y a aussi des garçons qui sont vendeurs à la sauvette en dehors de l’école…mais la question des tâches ménagères est bien propre aux filles. Les filles font face à de multiples obstacles dans leur scolarité. Et encore, la vie de Eve n’est pas trop mal : ses parents l’autorisent à sortir, ce qui n’est pas le cas de toutes les jeunes filles. Les parents ont souvent peur qu’il arrive quelque chose à leurs filles.

 

Filmer la journée à l’école de Eve a été un véritable défi, en particulier à cause de la grève des enseignants, qui dure depuis presque 1 an maintenant. C’est un situation particulièrement difficile. Y a-t-il un espoir de retour à la normale ?

 

Au Tchad, nous sommes habitués aux mouvements sociaux. Mais là, c’est la première fois que la grève dure autant de temps. Cela prouve le ras le bol des enseignants. Je comprends : quand on se retrouve dans une classe avec 200 gamins, qu’il n’y a pas d’infrastructures adaptées, par de matériel. Je comprends aussi la frustration des élèves, comme Eve, qui veulent aller à l’école. Il faut s’imaginer que certains élèves se retrouvent complètement isolés à cause de l’absence d’école.

 

On voit dans le film une maison de quartier où les jeunes se retrouvent. Y en a-t-il beaucoup à Ndjamena ?

 

Non. Et pourtant ces maisons de quartier jouent un rôle fondamental. On n’a pas au Tchad, de piscines, de centres de loisirs. Les jeunes traînent, tombent souvent dans des déviances. Il y a dans ces maisons de quartier des jeunes qui vont à l’école, d’autres qui n’y vont pas. Cela permet aux jeunes d’avoir un espace entre eux où ils communiquent, partagent, échangent même si on est dans une société fermée. Dans un pays où il y a beaucoup de tensions entre les communautés, les jeunes de toutes les origines peuvent se rencontrer dans ces espaces. Ils sont pauvres, moins pauvres, chrétiens, musulmans. Ils viennent du Nord, du Sud, de l’Est, de l’Ouest, de toutes les ethnies. Ils se retrouvent et se divertissent ensemble, c’est assez rare et fondamental pour la construction de la paix.

 

Découvrir le film « Une journée à l’école au Tchad »

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