Jeunes des 2 Rives : « Je ne peux pas exister sans l’Autre »

Jeunes des 2 Rives : « Je ne peux pas exister sans l’Autre »
Impliqué depuis 2002 dans ce projet citoyen, laïque et solidaire, Abderrazak El Hajri, Délégué Général de l’association transnationale Migrations & Développement depuis 2013, explique en quoi le programme « Jeunes des 2 Rives » contribue concrètement à mieux vivre ensemble. Interview.

Vous êtes à l’origine du programme Jeunes des 2 Rives que pilote aujourd’hui Solidarité Laïque. Pourquoi avoir voulu étendre ces chantiers de jeunes que vous organisez depuis plus de 30 ans à d’autres pays ?

 

Parce que les bénéfices en termes d’image de soi et d’ouverture à l’autre sont tels que nous avons voulu élargir ce projet. Depuis 1989 ce sont entre 8 et 10 chantiers solidaires que nous proposons chaque année à des jeunes des quartiers populaires de France. A la fois bénéficiaires et acteurs, ils partent deux semaines au Maroc pour réaliser un projet social, éducatif ou culturel. Réhabilitation d’écoles, de centres d’accueil pour personnes handicapées, création d’espaces de jeux pour les petits, animations périscolaires… les projets améliorent le quotidien des habitants sur place et font vivre une expérience unique aux jeunes. Aujourd’hui, avec le soutien de l’AFD, ce sont donc 20 associations et structures françaises, marocaines, tunisiennes qui participent, et 900 jeunes qui d’ici 2 ans auront pu en bénéficier.

 

En quoi ce programme répond-il à un « besoin de citoyenneté » pour ces 900 jeunes ?

De plus en plus de jeunes de France ne se reconnaissent plus dans le projet républicain et laïque. Se sentant victimes d’injustices et d’exclusion du fait de leur origine, ils excluent à leur tour ceux qui leur semblent différents. Disqualification de l’autre, discours de fracture, logiques communautaristes… conduisent à des simplifications qui les appauvrissent et les enferment. Ce projet de solidarité internationale est là pour les aider à retrouver leur liberté de penser, pour soutenir l’émancipation à laquelle tout un chacun a droit.  Il ouvre les esprits, facilite les rencontres avec d’autres cultures, mais aussi met en relief la richesse d’une identité multiple dont ces publics sont porteurs.

 

 

Ces chantiers entre les deux rives de la Méditerranée seraient donc un catalyseur qui permettrait de se réconcilier avec soi-même et avec les autres ?

Oui, car quand on a expérimenté la solidarité internationale dans un pays dont une partie de ses aïeux est originaire, il devient bien difficile de défendre un discours qui sépare et oppose « eux » et « nous ». Quand on commence à comprendre le pourquoi du parcours migratoire de ses parents et à rétablir un dialogue avec eux, quand on partage des moments avec des habitants qui vivent ailleurs mais d’où l’on vient peut-être, on découvre que l’on est fabriqué de plusieurs identités. On retrouve son identité… mais une identité multiple pas une identité qui enferme. Une jeune fille m’a dit un jour qu’après ce voyage, elle se sentait un peu comme un arbre : bien enraciné dans ses origines, mais avec des branches qui se nourrissent des autres.

 

La solidarité internationale permet donc de mieux se vivre comme citoyen dans une République laïque ?

« Je ne peux pas exister sans l’autre ». Tel est le premier enseignement de ces voyages. Mais c’est aussi l’occasion de comprendre ce que nous avons en commun et ce qui nous différencie, en tant qu’êtres humains. C’est pourquoi ce projet pédagogique est éminemment laïque dans un sens large du mot, qui dépasse le fait religieux : il apprend à qu’il est possible d’être soi, fort de ses origines multiples et à reconnaître aux autres le droit d’être eux-mêmes.

 

Le programme Jeunes des 2 Rives (J2R) coordonné par Solidarité Laïque avec le soutien de l’Agence Française de Développement est un projet d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale qui renforce le pouvoir d’agir et les parcours d’engagement de jeunes de France, du Maroc, d’Algérie, du Liban et de Tunisie, notamment parmi les jeunes qui subissent le plus les inégalités sociales et territoriales.

MOTS-CLES :

Je m’abonne à la newsletter en tant que