« L’éducation pourrait ne plus être un droit humain mais un marché de 50 milliards de dollars. »

« L’éducation pourrait ne plus être un droit humain mais un marché de 50 milliards de dollars. »
Depuis quelques années, dans les pays du sud, les écoles à bas prix se développent à un rythme inquiétant. Sylvain Aubry, conseiller juridique et recherche à la Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, fait le point sur la situation.

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Qu’en est-il précisément de la situation des écoles privées dans le monde ?

Dans de nombreux pays pauvres, les écoles primaires privées se sont multipliées par 4 ou 5 durant les dix à quinze dernières années. Il faut distinguer plusieurs types d’écoles : certaines, telles que les écoles communautaires, agissent là où les services publics ne s’investissent pas et ont un but essentiellement éducatif. D’autres écoles, liées à des multinationales, ont une visée essentiellement commerciale, avec l’objectif de générer un profit en vendant à des populations pauvres des services éducatifs d’une qualité douteuse. La plupart de ces écoles, dites « à bas coût », ne coûtent « que » quelques dollars par moi, ce qui ne les rend pas pour autant accessibles à tous. Il faut compter entre 6 et 20 dollars par mois par enfant. A ce tarif, on estime que 10 à 50 % des plus pauvres du monde ne pourront jamais scolariser leurs enfants.

En quoi ces écoles sont-elles un problème ? N’est-ce pas justement un moyen de permettre à davantage d’enfants d’accéder à l’éducation ?

Dans les chaînes d’écoles commerciales, les programmes qui sont proposés sont conçus pour la plupart au Nord et diffusés presque indifféremment vers tous les pays, quelles qu’en soient les cultures et les spécificités. Les enseignants qui interviennent sont peu ou pas qualifiés, l’objectif étant avant tout de limiter les coûts afin d’être rentable. Transformés en simples exécutants, ils lisent un cours imposé sur une tablette ou tout autre support sans avoir les moyens de la réflexion ou de l’initiative. Quant à l’accompagnement global de l’enfant, il est totalement négligé. Enfin, au-delà des enjeux de droits et de moral, cela pose des questions de démocratie essentielles : quel développement, et quel futur pour nos sociétés si la plupart des écoles sont contrôlées par quelques groupes internationaux ?

Qui sont les principaux acteurs économiques ? Quels sont leurs intérêts ?

Depuis les années 90, une nouvelle vague de petits entrepreneurs est apparue : leurs motifs étaient variables, parfois liés à un véritable sens de l’intérêt général, parfois plutôt en vue de gagner de l’argent. Mais le vrai pas a été franchi il y a 7 ou 8 ans, avec l’arrivée d’acteurs économiques venus du Nord dans le but exclusif de faire du profit. La chaîne américaine Bridge International Academies a ainsi créé la première école au Kenya en 2009 et elle compte aujourd’hui 400 écoles dans le pays, 80 en Ouganda, plusieurs autres au Nigéria, et elle projette en juin 2016 d’en ouvrir une centaine en Inde. Le but pour cette chaîne – et il y en a d’autres – est d’atteindre 10 millions d’élèves d’ici 2025. Derrière ces chaînes, se trouvent des opérateurs majeurs soit de l’édition scolaire comme Pearson qui a identifié dans les pays du Sud un marché gigantesque, soit les acteurs des nouvelles technologies : Facebook, Ebay ou Microsoft….

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