Les mineurs isolés, encore plus isolés avec le confinement

Les mineurs isolés, encore plus isolés avec le confinement
Des jeunes seuls, isolés dans des hôtels ou à la rue, voient leur démarche administrative paralysée. La crise sanitaire place ces enfants dans une situation de détresse particulièrement grave, alerte Olivier Epron, président des Francas 93.

Vous êtes Président des Francas 93 qui, notamment avec le soutien de Solidarité Laïque, propose des activités culturelles aux mineurs isolés pour les sortir de leur isolement. Comment a été organisé le confinement pour ces jeunes ?  

Il n’a pas été organisé. Cela a énormément reposé sur le suivi assuré par les associations. A leur demande, des jeunes ont été mis à l’abri dans des hôtels, mais beaucoup demeurent encore à la rue. Ils sont mineurs ou en attente de la reconnaissance de leur minorité, ils ont vécu des parcours dramatiques et cette situation les isole encore plus. Elle les place dans une détresse psychologique encore plus grande. Beaucoup de bénévoles s’alarment des conversations qu’ils peuvent avoir avec les jeunes car ils sont très angoissés : ils ne peuvent plus suivre les cours de Français, leurs rendez-vous avec le juge  ont été annulés. Il faut savoir que pour certains jeunes qui vont bientôt avoir 18 ans, ces quelques mois peuvent être déterminants. Passé 18 ans, ils ne seront plus pris en charge et, s’ils ne le sont pas déjà, ils se retrouveront à la rue. Pour les jeunes en attente de scolarisation, tout est également bloqué. 

 

Donc l’accès au juge des enfants n’est plus assuré actuellement ?

Non, de nombreux jeunes ont vu leur rendez-vous avec le juge reporté, voire annulé. Ce sont des jeunes qui n’ont pas le droit à l’erreur : chaque semaine qui passe compte et l’assiduité à leur formation est déterminante pour avoir le droit de rester sur le territoire. Il faut savoir que les phases de mise à l’abri, d’évaluation et de recours devant le juge durent souvent des mois. Ce sont des mois pendant lesquels l’Etat ne les protège pas.  Les associations font donc ce qu’elles peuvent pour rassurer les jeunes en passant chaque jour dans les hôtels. Parfois on se demande si l’Etat n’utilise pas ce prétexte pour geler toutes les procédures en cours.

 

Que se passe-t-il pour les jeunes qui se retrouvent à la rue ?

Ils sont encore plus abandonnés qu’ils ne l’étaient auparavant. Ils sont exposés à tous les dangers liés aux réseaux de traite, d’exploitation, de prostitution et de travail forcé. 

D’autant plus que les lieux qui les accueillaient et leur offraient une maigre protection auparavant sont désormais fermés. Ils ont également du mal à se nourrir et ils ont faim. Certains sont envoyés par les associations au commissariat qui les placent, d’autres sont logés directement par les associations qui leur payent l’hôtel, car certains de ces commissariats ne veulent plus les recevoir. Pour les jeunes, être confrontés aux forces de l’ordre génère également des angoisses.

 

Qu’en est-il de l’accès aux soins ? 

On le sait, ces jeunes sont particulièrement vulnérables, ils arrivent souvent sur le territoire avecune santé physique fragile, sans parler des séquelles psychologiques. Et l’accès aux soins, comme le reste, est un parcours du combattant en France. En novembre dernier, il y a eu une réforme de l’accès à l’aide médicale d’Etat (AME) et à l’assurance maladie pour les personnes demandant asile. Ces mesures prévoient de contrôler davantage  l’AME et de retarder l’accès à la couverture maladie de nombreuses personnes ; il leur  faut prouver une présence de 3 mois sur le territoire français avant de pouvoir en bénéficier et les personnes qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ne peuvent y prétendre. On voit bien à quel point cette mesure est aberrante. Mais actuellement, ce qui nous fait le plus peur à nous associations, c’est l’état psychologique des jeunes qui sont suivis : ils ont vécu des drames, quel sera leur état psychologique avec cette crise ? 

Ce contexte le rappelle : la protection des personnes et le respect de leurs droits fondamentaux devraient l’emporter sur les considérations liées aux enjeux de contrôle des flux migratoires. 

 

De quels pays sont originaires les jeunes que vous accompagnez ? 

Ils viennent essentiellement d’Afrique subsaharienne, Afrique de l’Ouest : Mali, Guinée, Côte d’Ivoire…mais aussi du Pakistan, d’Afghanistan. Ils fuient la misère, les zones de conflit. On sait qu’avec la période du printemps, plus de migrants tentent le passage vers l’Europe. Or, beaucoup de bateaux de secours ont été mis en quarantaine. Avec la fermeture des frontières, la crise sanitaire va fournir une raison de plus aux pays pour ne pas intervenir. Combien d’entre eux périront cette année en mer ? Ce sont les plus vulnérables qui paieront les effets de cette crise. 

 

Voir “ Coronavirus : « On a envie de sortir, d’aller à l’école, de jouer au foot », le difficile confinement des mineurs isolés – Infomigrants – 24/03/2020

Communiqué de Solidarité Laïque : Mineurs isolés, les grands oubliés 19 juin 2017

Outil pédagogique : Livret “Stop aux idées reçues sur les enfants et les personnes migrantes” réalisé par Solidarité Laïque, le SNUipp-FSU et la FCPE, avec la participation d’InfoMIE, Centre de Ressources pour les Mineurs Isolés. 

 

Les mineurs isolés sont avant tout des enfants en danger et doivent être protégés comme tous les enfants.

 

Propos recueillis par Morgane Bages, chargée de communication

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