Pourquoi le phénomène migratoire actuel en Europe n’est ni une nouveauté, ni d’une ampleur sans précédent

A la veille des élections européennes, les discours actuels tendent à montrer l’immigration comme le grand défi de notre époque, un phénomène sans précédent et dangereux, qui pourrait déstabiliser irrémédiablement le fantasme de la vieille Europe chrétienne. Seul problème : l’Histoire n’est pas de cet avis.

En septembre 2015, la photo du corps sans vie d’Aylan, échoué sur une plage turque choque et émeut le monde entier. Soudainement et sous l’effet du « buzz » créé par cette photo, l’Union Européenne semble ouvrir les yeux sur ce qu’elle se refusait à voir jusqu’ici :  des personnes meurent en tentant de franchir nos frontières. Dans la foulée beaucoup parlent, trop parfois, et sous les effets d’annonce, nous voilà au cœur d’une « crise migratoire sans précédent ». Comme s’il s’agissait d’un phénomène nouveau, encore inconnu. C’est faire affront à l’Histoire que de penser cela.

 

La migration fait partie de l’ADN humain

 

Si l’on prend l’Histoire du monde dans sa globalité, il est évident que la migration et les migrations font partie de l’ADN humain. C’est une question d’adaptabilité à l’environnement : les hommes, de tout temps ont toujours migré. Si aujourd’hui l’Homme est présent sur l’ensemble des continents, c’est parce que son histoire est faite de migrations. L’origine africaine de l’Homme est aujourd’hui bien établie et c’est au cours de ce que les scientifiques appellent « Out of Africa » que l’homo sapiens s’est installé sur l’ensemble des territoires terrestres.

 

La suite de l’histoire humaine n’est pas moins nomade puisque nombre de déplacements, d’expansions nous sont bien connus. Nous pourrions, sans être exhaustifs, parler de l’expansion de l’Empire Romain, ou encore, plus récemment, la grande famine irlandaise de 1845 qui a conduit 2 millions d’Irlandais à fuir vers les Etats-Unis d’Amérique. Pour résumer, les arrivées de migrants en Europe ne constituent absolument pas un fait nouveau, tout comme il n’est pas d’une ampleur sans précédent.

L’Homme est un migrant par nature.

 

Crise de la liberté, de l’égalité et de la fraternité

 

Les migrants sont avant tout des sujets de droits, essentiellement lorsqu’il s’agit d’enfants, de femmes et d’hommes qui quittent leur pays pour ne pas y mourir ou pour tenter de vivre dignement ailleurs.

Alors plus que de « crise migratoire », nous devrions parler de crise de la liberté quand des familles entières, enfants compris, sont enfermées arbitrairement (dans des dispositifs de détention, tels que les centres de rétention, les camps, les prisons, etc.) et leurs droits fondamentaux bafoués pour le seul motif qu’ils aient franchi une frontière

Plus que de crise migratoire, nous devrions parler de crise de la fraternité quand sous couvert de lutte contre les réseaux de passeurs, des « monsieur et madame tout le monde » sont condamnés pour avoir simplement aidé des personnes dans le besoin, sans rien attendre en retour.

Plus que de « crise migratoire » nous devrions parler de crise de l’accueil, car ce sont bien les politiques migratoires actuelles, mise en œuvre par l’Union Européenne et ses Etats membres, qui sont responsables de nombre de violations des droits fondamentaux des personnes migrantes.

Cette atteinte aux droits les plus élémentaires à l’encontre de personnes fragilisées par leur parcours migratoire n’est pas admissible.

 

Les politiques migratoires actuelles constituent des flagrants dénis de solidarité

 

Au regard de l’enquête Eurobaromètre Standards de 2016 qui a révélé que l’immigration était la principale source de préoccupation des citoyens européens à l’échelle européenne et la deuxième à l’échelle nationale, il apparait évident que la « crise migratoire » et son traitement constituent pour certains un socle démagogique et populiste à l’opportunisme politique et aux visées électoralistes. Dès lors, les politiques migratoires actuelles constituent de flagrants dénis de solidarité.

L’accueil inconditionnel est aujourd’hui plus que jamais mis au ban des nations, l’effectivité du droit d’asile n’est pas, tout comme la présomption de minorité pour les jeunes migrants.

Au défi de solidarité, l’Etat répond au mieux absent, au pire est complice des drames qui se jouent. Il est urgent de remettre l’accueil au centre de nos préoccupations si nous voulons pouvoir un jour regarder l’Histoire en face.

 

 

Parmi les auteurs de cet article : Hugues Janssens,  ex-stagiaire migrations chez Solidarité Laïque 

 

Illustration tirée de lexposition « Immigrations, du XIXe siècle à nos jours, en France”

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