Calais : où est passée notre humanité ?

Calais : où est passée notre humanité ?
Ce n’est pas en envoyant des bulldozers que l’on trouvera une solution pour les réfugiés de Calais et tous ceux qui vont continuer d’affluer par milliers. Les initiatives citoyennes et solidaires, dont l’Ecole Laïque du Chemin des Dunes qui a pu être préservée, ne doivent pas céder au découragement. C’est pourquoi, plus que jamais, Solidarité Laïque continue de se mobiliser auprès des réfugiés, pour leur dignité et le droit à l’éducation.

Le démantèlement de la zone sud du camp de Calais est en cours. Concrètement, 3500 réfugiés, en plein hiver, sous la pluie et dans le froid, sont – ou vont être – jetés de leurs abris de fortune. Suffit-il de les déloger pour qu’ils disparaissent ? Que veulent ceux qui ont décidé cela ? Les mesures de relogement ne sont ni suffisantes, ni appropriées*.

 

Concrètement, ce démantèlement expose des femmes, des hommes, des enfants, dont près de 400 mineurs isolés étrangers, à des situations plus vulnérables encore. Quand on a risqué sa vie pour la sauver, on ne renonce pas à quelques dizaines de kilomètres du but. Les migrants vont donc aller se terrer  là ils le peuvent, plus exposés que jamais aux réseaux mafieux. Ils ne pourront plus s’appuyer sur les réseaux de solidarité créés dans cette partie sud du camp : espaces de dignité retrouvée, espaces de culture, espaces d’humanité. Livrés à eux-mêmes, ils se retrouveront dans la même situation que voilà 9 mois, lorsque ces mêmes décideurs leur demandèrent de s’installer là d’où ils les chassent maintenant à coup de bombes lacrymogènes.

 

Mais nous ne baisserons pas les bras, surtout pas maintenant. Solidarité Laïque et ses 50 organisations membres, de l’éducation populaire à l’économie sociale au monde syndical, poursuivra sa mission : lutter contre les discriminations, agir pour la dignité de chaque être humain et continuer à promouvoir l’éducation, y compris en situation d’urgence.

 

L’inauguration de l’Ecole Laïque du Chemin des Dunes le 6 février dernier a réuni plus de 200 personnes, dont de nombreux journalistes qui ont largement relayé l’événement en France et à l’étranger. A n’en pas douter, ce moment a permis d’éviter que cette école, qui fut à l’initiative de Zimako Jones, réfugié nigérian, ne soit détruite avec le reste.

 

Que va-t-il se passer maintenant ? Solidarité Laïque va poursuivre, avec les réfugiés et les bénévoles qui interviennent sur place, ce combat pour l’éducation pour toutes et tous. A Calais, comme elle le fait ailleurs en France, en Haïti, en Afrique de l’Ouest, au Maghreb et dans plus de 20 pays.

Elle fera son métier : faciliter le dialogue entre les acteurs de la société civile et les pouvoirs publics pour que des solutions respectueuses du droit soient trouvées. En attendant que les élus prennent leur responsabilité quant à leur obligation d’éduquer et de protéger les enfants,  cette école doit continuer à accueillir ses élèves. Ils y trouvent là un espace non seulement où ils apprennent et jouent, mais des bénévoles qui apportent bienveillance, sourire et respect. Et peut-être aussi un peu d’espoir.

 

Ce qui se passe à Calais est complexe. Mais une chose est sûre : ce n’est pas en envoyant des bulldozers que l’on bâtira des solutions durables. Après la COP 21, qui prit acte que le monde comptera 200 millions de réfugiés climatiques dans les 50 prochaines années, alors que la Syrie célèbre le triste anniversaire de 5 ans de conflits meurtrie et 250000 morts, qui peut sans honte prétendre régler le problème en fermant les frontières ou en délogeant de leurs abris des personnes qui sauvent leur vie et celle de leurs enfants ?

 

Plus que jamais, nous croyons à la capacité de solidarité des êtres humains dont la plus grande aventure est de pouvoir partager ce qu’ils ont en commun et de vivre ensemble, avec les différences de chacun. Oui, nous ne lâcherons pas !

 

Solidairement, avec ténacité et vigueur !

 

Roland Biache, Délégué général de Solidarité Laïque.

 

 

* Les containers ne respectent pas les normes du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR)

Je m’abonne à la newsletter en tant que