Crise sanitaire : des systèmes éducatifs à bout de souffle

Crise sanitaire : des systèmes éducatifs à bout de souffle
La pandémie plonge de nombreux systèmes éducatifs dans une situation “temporaire” qui s’éternise. Cette situation appelle à des actions urgentes et durables pour ne pas sacrifier des générations entières. Les enseignant.e.s ne peuvent éternellement tenir à bout de bras l’éducation sans moyens et sans considération.

Le 24 janvier, c’est la journée internationale de l’éducation. Elle rappelle que les défis sont nombreux. La pandémie plonge irrémédiablement des systèmes éducatifs, et avec eux des générations entières, dans une situation périlleuse. Périlleuse pour notre avenir à toutes et tous puisque l’éducation, droit humain fondamental, est une des meilleures clés pour l’accès et l’exercice des autres droits. Si rien n’est fait, cette situation pourrait s’avérer explosive dans les années à venir et le droit à l’éducation risque de reculer significativement, après des décennies de progrès. 

Des générations durablement appauvries

Un an et demi après les premières mesures de restrictions prises par les gouvernements pour limiter la propagation du COVID-19, l’éducation de près de la moitié des étudiant.e.s à travers le monde est encore fortement affectée. (Source Coalition Education

  • Plus de 100 millions d’enfants n’atteindront pas le niveau minimum de compétence en lecture en raison de la crise. 
  • Les pays les plus pauvres et les personnes les plus marginalisées – dont les filles, les enfants et les jeunes en situation de handicap – sont les plus menacés. 

En France comme dans le reste du monde, cette crise paralyse les établissements scolaires et met en péril les apprentissages. Ce risque pourrait s’accentuer avec la crise sanitaire qui perdure dans certaines parties du monde et l’absence de l’éducation dans les plans de relance dans de nombreux pays. 

  • La part des enfants affecté.e.s par la pauvreté des apprentissages – déjà 53 % avant la pandémie – pourrait potentiellement atteindre 70 % compte tenu de l’étendue des fermetures d’écoles et l’inefficacité de l’apprentissage à distance. 

Source : rapport “État de la crise mondiale de l’éducation : un chemin pour le redressement” publié le 06/12/2021 par la Banque mondiale, l’UNESCO et l’UNICEF

  • En raison des fermetures d’écoles liées au COVID-19, cette génération privée d’éducation risque désormais de perdre 17 000 milliards de dollars de revenus tout au long de la vie en valeur actuelle, soit environ 14% du PIB mondial actuel, selon ce même rapport. Cette nouvelle projection révèle que l’impact est plus grave qu’on ne le pensait et que les générations vont perdre en autonomie économique. 

 

Combien de temps encore les enseignant.e.s pourront-ils tenir des systèmes éducatifs à bout de souffle ?

Dans presque tous les pays, la pandémie semble désormais faire partie des paramètres devenus malheureusement “normaux” à intégrer pour des établissements scolaires, enseignant.e.s et élèves déjà démunis. Et pourtant, cette crise sanitaire vient s’ajouter aux nombreux défis existants déjà : conflits, insécurité, instabilité économique et politique, pénurie d’enseignants, manque de moyens… Dans ce contexte, beaucoup d’enseignant.e.s ont joué et continuent de jouer le rôle de stabilisateur en palliant au manque de réponses apportées par les États pour assurer la continuité pédagogique et la sécurité des communautés éducatives. Au Burkina Faso par exemple, de nombreux.ses enseignant.e.s font face quotidiennement à une insécurité grandissante et doivent gérer les aléas liés à la situation sanitaire. En Haïti, la situation politique se dégrade et les acteurs.actrices avec lesquels nous sommes en contact sont très pessimistes face à l’avenir.

Service « essentiel » pour la société, les éducateurs., éducatrices, enseignant.e.s sont acculé.es physiquement et psychologiquement et ont un sentiment d’abandon. 

Au-delà des questions sur les moyens technologiques, les moyens de protection contre la pandémie, sur la formation nécessaire pour dispenser l’enseignement à distance ou de façon hybride, ils.elles ont, pour certain.e.s, payé un lourd tribut comme le rapporte L’Internationale de l’Éducation dans son enquête en 2020 “Covid-19 et éducation : La réponse des syndicats de l’éducation”.

“Certain.e.s travailleurs.euses de l’éducation ont été licencié.e.s, ont été mis en congé sans solde, n’ont pas vu leur contrat renouvelé ou n’ont plus de travail payé à l’heure. Le coup semble avoir été le plus dur pour les travailleurs.euses ayant un contrat temporaire et/ou à mi-temps.(….) En outre, les personnels en soutien à l’éducation, ont été touchés par une perte de revenu ou un licenciement”.

 

Construire des systèmes éducatifs plus résilients à long terme

Même si le recours et la maintien de l’ouverture des écoles à travers le monde reste une priorité pour contrer la crise des apprentissages, cette situation inédite et les leçons tirées par les acteurs éducatifs, les syndicats, les institutions dédiées telles que l’UNESCO nous montrent la voie pour repenser des systèmes éducatifs plus forts pour des crises futures. 

Dans tous ces recommandations, certaines nous semblent essentielles : 

  • remettre l’enfant, l’apprenant.e et l’étudiant.e au centre des programmes et des systèmes éducatifs pour une éducation inclusive et appropriée aux besoins et aux contextes ; 
  • renforcer le rôle des parents, des familles dans l’apprentissage des enfants et dans le lien à l’École ;     
  • reconnaître le rôle indispensable des enseignant.e.s, des personnels de l’éducation et leur donner les moyens pour exercer leur métier dans de bonnes conditions, encore plus en situation de crise et protéger leurs emplois, renforcer leurs qualifications ; 
  • augmenter la part de l’éducation dans l’allocation budgétaire nationale des plans de relance.

 

Pour cela, Solidarité Laïque rappelle à la France son engagement à mettre en œuvre la Loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales adoptée en août 2021.Certains États du monde n’ont aujourd’hui pas la capacité de faire face seuls aux défis imposés par la crise sans l’aide publique au développement (APD), outil de résorption des inégalités. La France doit saisir les enjeux de cette crise de l’éducation au niveau national comme au niveau mondial et agir par le biais de son APD et en plaidant en faveur d’une relance mondiale par l’éducation. 

 

Crise sanitaire : des systèmes éducatifs à bout de souffleCarole Coupez, déléguée générale à Solidarité Laïque

 

Illustration de Une : ©Offre-joie

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