L’éducation, nouvelle cible du terrorisme

L’éducation, nouvelle cible du terrorisme
Depuis de nombreuses semaines, les attaques djihadistes contre les écoles se multiplient au Mali. Après le nord, ces attaques se dirigent désormais dans le centre du pays (Tombouctou, Gao) et jusqu’à la région de Ségou. Les djihadistes pénètrent dans les classes, terrorisent les élèves, et sous leurs yeux brûlent les cahiers, les manuels …quand ils ne s’en prennent pas à leur vie. La semaine dernière, des attaques similaires ont été signalées à l’est du Burkina Faso, pays également en proie à la menace terroriste. Sans aucune médiatisation et aucune réaction de la communauté internationale, les attaques contre les enseignants et l'éducation en général deviennent de plus en plus nombreuses. Tous les jours, élèves, enseignants, risquent leur vie. Comment maintenir l’éducation quand celle-ci est devenue la cible du terrorisme ? Décryptage.

 

L’éducation, de plus en plus en danger

Depuis de nombreuses années, le continent africain est en proie aux mouvements terroristes: les attaques au Mali, au Niger, au Tchad et au Burkina Faso sont nombreuses. Les écoles publiques des régions les plus à risque de ces pays ferment à tour de bras, entraînant une hausse exponentielle du taux de déscolarisation. 

« Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, 2000 écoles ont déjà fermé ! La collecte d’informations, le manque de financement pour les organisations locales et l’insécurité ne facilitent pas le travail. Mais il faut le faire pour la paix, » expliquait déjà en juin 2020 Alain Canonne, Délégué général de Solidarité Laïque. « Si on attend que la situation soit stabilisée pour mobiliser des fonds et déployer des programmes de soutien pour l’éducation, il n’y aura aucune chance de mettre fin aux conflits. »

En effet, entre 2015 et 2019, ce sont plus de 11 000 attaques contre les écoles qui ont été comptabilisées, blessant plus de 22 000 étudiant.e.s et enseignant.e.s dans 93 pays. (GCPEA, 2020). Au Burkina Faso, où Solidarité Laïque intervient, ce sont pas moins de 126 attaques visant des élèves, des professionnels de l’éducation et des écoles qui ont eu lieu entre 2017 et 2020 (Human Rights Watch, 2020). Avec la pandémie, ce chiffre est malheureusement amené à augmenter, du fait des confinements et de la déscolarisation presque inévitable dans les régions qui subissent une forte fracture numérique.

Actuellement, 1 enfant sur 4 en âge d’aller à l’école dans le monde vit dans un pays en situation de crise. Avec les diminutions de plus en plus sévères des budgets alloués à l’éducation dans le monde, Solidarité Laïque craint une aggravation de la situation de l’éducation dans les pays menacés par le terrorisme dans les prochaines années. Par ailleurs, le manque d’actions des gouvernements et le silence des médias ne fait qu’accentuer cette situation pourtant grave et aux conséquences multiples. 

 

À l’heure où nous publions cet article, un attentat terrible a eu lieu à Kaboul en Afghanistan devant un lycée de jeunes filles et a fait des dizaines de morts. Solidarité Laïque exprime sa totale indignation et son attachement à une éducation de qualité pour tous et toutes, et réitère son engament pour l’éducation, partout dans le monde.

 

Assurer une continuité éducative pour rétablir la paix

S’engager pour assurer la scolarisation dans ces régions fortement touchées par l’instabilité et les menaces terroristes est fondamental. En effet, l’éducation est un facteur de développement et de paix. L’éducation permet de favoriser le développement économique des pays, et de diminuer la pauvreté: on estime qu’une année de scolarisation supplémentaire augmente à terme les revenus de 10 %, et chaque année de scolarité supplémentaire augmente la croissance annuelle moyenne du produit intérieur brut (PIB) de 0,37 % (Partenariat Mondial pour l’Éducation, 2021).

Également, l’éducation protège. Les femmes et les filles sont les premières exposées aux mariages forcés, aux violences physiques et sexuelles et aux grosses non-désirées dans les pays où l’éducation est fortement menacée par le terrorisme.

Les enfants déscolarisés et les jeunes sont exposés à un plus grand risque de violence, viol, d’enrôlement dans les combats, la prostitution et d’autres activités, souvent criminelles, menaçant leurs vies (NORRAG, 2012). Ainsi, protéger l’éducation permet de protéger ces populations, en leur donnant les moyens de se développer, et de s’autonomiser pour s’émanciper loin des violences et menaces auxquelles la déscolarisation expose

Avec un an d’éducation, on estime que les risques de conflit sont réduits de 20 %. Également, l’éducation est un vecteur de sensibilisation et d’autonomisation. En outre, l’éducation permet de prévenir des causes sous-jacentes de la violence, favoriser l’intégration, la tolérance, sensibiliser sur les droits humains, la résolution de conflit – soutenant les processus à long terme de reconstruction et de paix (NORRAG, 2015).

 

L’éducation, nouvelle cible du terrorisme

 

Protéger le Droit à l’éducation : une responsabilité des Etats 

La continuité éducative est donc essentielle pour promouvoir la paix dans ces pays fortement fragilisés par les instabilités politiques, sociales et la menace terroriste.

La Campagne mondiale pour l’éducation plaide auprès des gouvernements pour que chaque pays adhère officiellement aux « Lignes  directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés » et signe « la Déclaration sur la sécurité dans les écoles » (GCPEA, 2020). 

Elle encourage la dotation au fonds multilatéral dédié à l’éducation en situation de crise Education Cannot Wait.

La Coalition Éducation, dont Solidarité Laïque est membre, saluait il y a quelques jours l’annonce par la France d’une contribution de 4 millions d’euros pour ECW ciblant le Liban et le Sahel. Ce soutien au droit à l’éducation, en situations de crise, et des financements ciblés et robustes pour protéger et maintenir ce droit doivent être une priorité mondiale.

 

 

L’éducation ne doit pas céder face à la menace terroriste. Outil de développement et facteur de paix  pour des millions d’enfants et de jeunes, nous devons réagir pour protéger l’éducation !

 

 

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