Mineurs isolés étrangers et droits de l’enfant : alerte sur les prochaines mesures gouvernementales

A la veille du lancement par le gouvernement du plan pauvreté des enfants, nous alertons l’opinion sur la situation des mineurs isolés étrangers (MIE) qui s’apprêtent à devenir l’exemple emblématique du très probable recul des droits de l’enfant dans notre pays.

En question : le transfert à l’État de la prise en charge des mineurs isolés étrangers, ce qui de facto, les sortirait du droit commun de la protection de l’enfance, qui est en France la compétence des conseils départementaux. Parmi les mesures annoncées, le fichage national de ces enfants considérés, dans une telle logique, comme des étrangers avant tout et non plus comme des enfants en danger. Un recul impensable au pays des Droits de l’Homme.

 

En 2007, le législateur a intégré la prise en charge des MIE, dans le droit commun de la protection de l’enfance. Parce que ces jeunes sont mineurs et isolés – c’est-à-dire sans leurs représentants légaux – ils relèvent de l’enfance en danger et donc de la compétence exclusive des départements. La réforme de la protection de l’enfance du 14 mars 2016 le réaffirmait encore il y a un peu plus d’un an.

 

Et pourtant, pour la première fois en 10 ans, le Président de la République et le gouvernement s’apprêtent à remettre en cause la place de ces jeunes vulnérables, qui sont des enfants avant tout, au sein de la protection de l’enfance.

 

Depuis plusieurs années, les MIE sont pris en étau entre État et Conseils départementaux et sont devenus « un moyen de pression ». En effet, certains départements opposent aujourd’hui le coût de leur prise en charge – alors même que les appels à projets prévoient de plus en plus une prise en charge a minima pour ces jeunes – à celui des autres enfants qui leur sont confiés, renvoyant systématiquement la responsabilité des MIE à l’État au titre de la politique migratoire.

 

Pour la première fois en dix ans, cette remise en cause de la place de ces jeunes vulnérables en protection de l’enfance a trouvé un écho auprès de la présidence et du gouvernement : l’État envisage de reprendre la responsabilité de ces mineurs, considérant ainsi ces enfants d’abord comme des étrangers. Cette réflexion s’est menée sans véritable concertation entre État, départements et associations.

 

Le gouvernement actuel va même bien plus loin : un système de fichier national des mineurs isolés demandant protection est en cours d’étude.

 

Le Défenseur des droits, dans un avis récent¹, s’oppose fermement à ce fichier qu’il considère comme « une atteinte grave à la vie privée s’agissant de personnes considérées mineures jusqu’à preuve du contraire » et met en garde les pouvoirs publics contre « la tentation de considérer systématiquement ces jeunes gens d’abord comme des « fraudeurs ».

 

Le Défenseur rappelle qu’il restera vigilant « quant au potentiel glissement […] vers «un droit spécifique », « hors du droit commun » qui ne serait pas conforme avec les engagements internationaux de la France ».

 

En effet, conformément aux engagements internationaux de la France², et au principe de non- discrimination, les mineurs isolés étrangers doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits et doivent être accueillis dans les mêmes conditions de dignité que tous les autres enfants en danger.

 

Remettons en perspective les propos de certains Conseils départementaux et de l’Assemblée des départements de France qui nous parlent « d’invasion », de « flux massifs » de MIE. Rappelons qu’il s’agit de 18.000 adolescents selon le dernier rapport de l’ODAS³, bien peu au regard des 320.000 enfants bénéficiaires de l’Aide Sociale pour l’Enfance (ASE) au niveau national.

 

« Devons-nous accepter sans rien dire cette discrimination qui s’est insinuée dans les discours et actes au point d’en devenir banale, alors que notre système de protection de l’enfance était créé initialement pour chaque enfant, peu importe sa nationalité, sa situation familiale, ses difficultés ? Un transfert de compétences des départements vers l’État serait lourd de conséquences pour les Droits de l’enfant dans notre pays. Cessez de prendre en otage ces jeunes particulièrement vulnérables que nous avons l’obligation de protéger ! », déclare ainsi Roland Biache, Délégué général de Solidarité Laïque, à la veille du lancement du plan pauvreté des enfants.

 

Solidarité Laïque en appelle au gouvernement : la place des mineurs isolés est au sein de la protection de l’enfance comme tout autre enfant en danger et ce, dès leur arrivée sur le territoire français.

 

Contacts presse :
Roland Biache, Délégué general de Solidarité Laïque
rbiache@solidarite-laique.org – 06 33 75 45 20
Florine Pruchon, Chargée de mission Droits de l’enfant, Solidarité Laïque
fpruchon@solidarite-laique.org – 06 71 99 38 68
Laurence Bernabeu, Relations Presse, Solidarité Laïque
lbernabeu@solidarite-laique.org – 06 33 74 99 07

 

Télécharger le communiqué de presse

 


 

¹Avis du Défenseur des droits n°17-10 suite à l’audition de Madame Geneviève Avenard du 28 septembre 2017 par de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, pour les crédits de la mission « Solidarité » du projet de loi de finances pour 2018 sur le thème de la prise en charge départementale des mineurs étrangers non accompagnés »
²Convention internationale des droits de l’enfant, articles 2, 3, 8 et 20.
³ODAS, Rapport « Dépenses départementales d’action sociale en 2016 : Des résultats en trompe-l’œil », Mai 2017

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