Le procès contre Mandela et les autres  pour « transformer l’indignation en acte positif »

Alors que le film Le procès contre Mandela et les autres va sortir sur les écrans, Gilles Porte, co-réalisateur avec Nicolas Champeaux et partenaire historique de Solidarité Laïque, revient sur les raisons de son engagement dans la lutte contre le racisme et pour l’éducation.

C’est depuis les territoires palestiniens occupés, entre Ramallah, Bethlehem, Gaza, Nablus et Jérusalem, que j’écris. The State against Mandela ans the others, mots pour mots le titre que le gouvernement sud-africain avait décidé de donner à ce procès qui a duré 9 mois, entre 1963 et 1964, est projeté dans le cadre du seul festival de cinéma palestinien existant.

Coïncidence du calendrier, le co-réalisateur du film, Nicolas Champeaux, s’envole en ce moment même avec notre film pour le Brésil qui s’apprête à basculer sous un régime d’extrême droite.

S’il m’était important hier de mettre une caméra sur l’épaule, il s’avère sans doute plus important encore aujourd’hui d’accompagner ces images et ces sons, ces hommes et ces femmes dans un monde en perte de repères.

On m’interroge souvent sur les raisons qui me poussent parfois à m’engager avec une caméra. Mais que cet engagement est infime comparé à ceux de ces hommes et de ces femmes qui ont décidé de mettre leur vie en-dessous de la cause qu’ils défendent !

Est-ce le fait d’avoir grandi avec un poster d’Amnesty International, que ma mère avait punaisé dans ma chambre, qui a influencé certains de mes choix? Je ne sais pas… mais c’est vrai que je me souviens de cette tortue dessinée sur l’affiche : sur la carapace, un graphiste avait écrit en lettres blanches : « NON ASSISTANCE EN PERSONNE EN DANGER ». Sans doute également le fait de partir en vacances avec un père, cardiologue, qui s’arrêtait souvent pour secourir un accidenté de la route, m’a aussi alerté sur l’importance d’une main tendue à certains moments.

 

« Quand Nicolas Champeaux est venu me trouver, Trump venait d’être élu »

 

Aussi, lorsque Nicolas Champeaux est venu me trouver, en novembre 2016, avec cette idée de faire un film sur une base d’archives sonores incroyables, il m’était impossible de refuser. Et puis il y avait cette urgence, vu l’âge des protagonistes, camarades de lutte et de cellule de Nelson Mandela, à partir en Afrique du Sud. Et Trump venait d’être élu… Comme beaucoup de gens, j’étais abasourdi par le résultat des votes de l’autre côté de l’Atlantique. Nicolas me donnait une raison de transformer cette indignation en acte positif….

C’est la même motivation quand Solidarité Laïque me demande d’intervenir avec mon projet PORTRAITS/ AUTOPORTRAITS  au Bénin, au Sénégal, au Niger, au Burkina Fasso et au Mali pour parler de l’éducation en Afrique subsaharienne.

Comme souvent, je m’engage dans une démarche artistique sans me rendre compte qu’elle deviendra politique comme peuvent l’être certains pas de danse, quelques notes, un trait de peinture, une image photographique, une interprétation théâtrale ou n’importe quel acte artistique.

Soyons honnêtes… J’ai la chance de faire du cinéma et d’en vivre depuis plus de 30 ans. Aussi quand cette passion peut se mettre au service de certains fondamentaux comme de rappeler qu’une éducation est souhaitable pour toutes et tous, comme dans le film Ensemble c’est possible réalisé par Safy Nebbou, ou de souligner, dans une société aux accents trop individualistes, qu’une résistance à un Etat fachiste ne peut s’organiser que si des individus s’organisent et se regroupent, alors il m’apparaît logique  de m’engager avec des images et des sons afin, sans avoir la prétention de « changer le monde », simplement, d’être un peu plus en accord avec moi-même et toutes ces tortues sur le dos.

Gilles Porte

 

Illustration : Winnie Mandela, Nicolas Champeaux et Gilles Porte, durant le tournage du film, décédée depuis.

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